Vies voisines : roman Mohamed Berrada traduit de l'arabe (Maroc) par Mathilde Chèvre avec la collaboration de Mohamed Khounche

Coup de cœur

Peut-on associer des modalités de narration issues de traditions littéraires différentes ? C'est à cet exercice que s'emploie Mohamed Berrada dans son roman Vies voisines. Ce roman s'articule autour de la vie de trois personnages: une femme en recherche d'émancipation, Naïma Aït Lahna, hôtesse de l'air, banquière, et trafiquante de drogue au final, un jeune homme en mal d'évasion et de dépaysements, le fils de H'Nia, et Abdel Moujoud -al-Wariti, vieux politicien roué. Tous ces personnages ont pour point commun d'avoir participé, chacun selon son parcours, à l'histoire du Maroc contemporain, d'en être un échantillon parfois très représentatif. La vie de chaque personnage y est décrite. Mohamed Berrada y ajoute le récit de ce qu'il appelle le narrateur-narrataire, sorte de dépositaire de l'authenticité de chaque récit. L'auteur du roman y superpose la voix d'un conteur, le râwî, figure centrale de la littérature populaire arabe. Ce qui frappe dès les premières pages de l'ouvrage, c'est l'omniprésence de l'histoire du Maroc depuis l'Indépendance. Les destins de ces trois personnages se croisent, interfèrent, se séduisent, souvent, et se dupent. Leurs tentatives d'entrer dans la modernité, par le culte du corps, de l'argent, par la défense d'idées ressenties comme novatrices et progressistes sont un reflet assez fidèle de la situation du Maroc contemporain, pays en proie, tous comme ses romanciers, à un questionnement passionnant sur l'orientation à donner à sa société. Mohamed Berrada prend ainsi en tant que romancier toute sa place dans cette interrogation du Maroc sur lui-même. (Tristan B.)

Résumé

Trois personnages, une femme émancipée, hôtesse de l'air de son métier, un homme du peuple, averti et charmeur, et un vieux politicien déluré, se racontent et se confient, se croisent et se séduisent, s'entraident et se dupent. En filigrane de leurs confessions se dessine une image contrastée de la société marocaine contemporaine, avec ses aspirations au changement et ses blocages structurels. Les "vies voisines" sont autant de quêtes existentielles qui questionnent 1'origine du plaisir, le sens et la raison d'être au monde, le drame de la temporalité et de la finitude humaine. Aux voix des personnages principaux s'ajoute celle d'un narrateur qui a partagé la vie, voisine, des trois héros, enregistré leur récit et qui le relate ici. S'élève enfin la voix d'un conteur, ou râwî, figure centrale de la littérature populaire arabe. Il se charge de mettre à distance et de présenter ces existences entremêlées. Chacune est ainsi contée plusieurs fois, jusqu'à ce que le conteur, revendiquant sa propre subjectivité, choisisse à sou tour son mode de narration. On retrouve dans Vies voisines le souci permanent de Mohamed Berrada d'associer "les modalités traditionnelles de la littérature arabe et les procédés de la narration occidentale, pour livrer les clefs des désarrois identitaires du Maroc contemporain".

Auteur :
Barrādaẗ, Muḥammad (1938-....)
Traducteur :
Chèvre, Mathilde (1972-....)
Éditeur :
Arles, Actes Sud-Sindbad,
Collection :
La bibliothèque arabe
Genre :
Roman
Langue :
français ; d'ouvrage original, arabe.
Pays :
France.
Traduction de l'ouvrage :
Ḥayawāt mutaǧāwiraẗ
Description du livre original :
1 vol. (188 p.) : couv. ill. en coul. ; 22 cm
ISBN :
9782330014933.
Domaine public :
Non

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