Compagnie Samuel Beckett
Résumé
"Assommé par les maux de ton espèce tu soulèves néanmoins la tête de l'appui des mains et rouvres les yeux. Tu branches sans bouger de ta place la lumière au-dessus de ta tête. Tes yeux tombent sur la montre sous tes yeux. Mais au lieu de relever l'heure de la nuit ils suivent les girations de la trotteuse que son ombre tantôt précede et tantôt suit. Des heures plus tard il te semble comme suit. A 60 secondes et à 30 secondes l'ombre disparaît sous l'aiguille. De 60 à 30 l'ombre précede l'aiguille à une distance qui va croissant de zéro à 60 jusqu'à son maximum à 15 et de là décroissant jusqu'au nouveau zéro à 30. De 30 à 60 l'ombre suit l'aiguille à une distance qui va croissant de zéro à 30 jusqu’à son maximu à 45 et de là décroissant jusqu'au nouveau zéro à 60. Que maintenant tu fasses tomber de biais la lumière sur la montre en déplaçant l'une ou l'autre d'un côté ou de l'autre et voilà que l'ombre disparaît sous l'aiguille à deux points tout autres comme par exemple a 50 et à 20. Voire à n'importe quels deux points tout autres selon le degré de biais. Mais quel qu'il soit et partant le décalage entre les premiers et les nouveaux points d'ombre zéro l'écart de l'un à l'autre est toujours de 30 secondes. L'ombre émerge de dessous l'aiguille à n'importe quel point de son circuit pour la suivre ou précéder l'espace de 30 secondes. Puis disparaît à nouveau pendant une fraction incalculable de seconde avant d'émerger à nouveau pour la precéder ou suivre à nouveau. Et amsi sans trêve. C'est là apparemment la seule constante. Car la distance même entre l'aiguille et son ombre varie elle aussi selon le degré de biais. Mais quelle qu'elle soit elle va invariablement croissant et décroissant de zéro jusqu'à son maximum 15 secondes plus tard et 15 secondes plus tard encore à zéro encore respectivement. Et ainsi sans trêve. Ce serait là si l'on veut une deuxième constante. Tu aurais pu observer bien davantage au sujet de cette trotteuse et de son ombre dans leur giration parallèle apparemment sans trêve autour du cadran et qui sait dégager, d'autres variables et constantes et corriger d'éventuelles erreurs dans ce qu'il t'avait semblé jusqu'alors. Mais n'en pouvant plus tu laisses retomber la tête là où elle était et les yeux fermés retournes aux maux de ton espèce. L'aube te découvre dans cette posture toujours. Par la fenêtre côté mer le soleil bas t'éclaire et jette à travers le sol ton ombre et celle de la lampe allumée toujours au-dessus de ta tête et celles d'autres objets encore."
- Auteur :
- Beckett, Samuel
- Éditeur :
- Paris, Ed. de Minuit, 1989
- Genre :
- Roman
- Langue :
- français.
- Pays :
- France.
- Note :
- Traduit de l'anglais par l'auteur
- Mention d'édition :
- [Nouv. éd.]
- Description du livre original :
- 88 p. ; 19 cm
- ISBN :
- 2707302961.
- Domaine public :
- Non
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