Coup de cœur

Tout part d’un crime, puisqu’il y en a bien eu un. Mais celui-ci est passé un peu inaperçu, comme une fatalité, puisque celui qui l’a commis est devenu « le » personnage iconique du roman de Camus. Alors qui a été tué ? Et pourquoi s’intéresser à la victime de Meursault des années plus tard ? En reprenant la fiction là où elle s’est interrompue, on découvre la famille de « l’arabe » et c’est son jeune frère qui raconte sa vie passée dans l’ombre du mort. L’ironie, c’est que comme pour Meursault, sa vie devient un calvaire d'incommunicabilité, une vie de reclus, surveillée par les uns, dans l’attente d’une réaction digne en sa qualité de frère du martyre par les autres... Condamné lui aussi à vivre dans un monde où il faut faire « bonne » ou mauvaise figure, selon l’interlocuteur. En inventant cette voie parallèle, ce « Spin-off » comme on dit pour les séries lorsqu’il s’agit d’inventer une autre branche à une histoire connue via l’un de ses protagonistes, Kamel Daoud fait briller d’un éclat nouveau « L’étranger » tout en posant sur les blessures de son personnage des blessures irrésolues et contemporaines. (G.H.)