Résumé

La Bosnie, il y a un siècle environ, sous la domination turque. Le pays est tout entier musulman. Le narrateur, Ahmed Nurudin, cheikh d'un couvent de derviches Mevlevi, qui a mené jusqu'à la quarantaine une vie proche de la sainteté, est brusquement chassé de la paix : son jeune frère Harun a été arrêté par le cadi, dont l'arbitraire est sans limites. Dans son désir de faire reconnaître l'innocence du jeune homme, le derviche sera amené à se mêler de plus en plus activement aux affaires du monde, dont il s'était tenu jusque-là écarté. Lorsqu'il apprend que son frère a été mis à mort sans jugement dans sa prison, le désir de vengeance s'empare de lui. Alors commence sa métamorphose. Il devient "politique", va jusqu'à recourir à la provocation pour fomenter une révolte qui aboutit en effet. Le cadi est tué, Harun est vengé. Mais la marche des choses ne s'arrête pas là. C'est à lui-même que les notables décident finalement de remettre la charge vacante de cadi. Devenu l'homme du pouvoir, le derviche sera amené à son tour à faire arrêter celui qui était devenu son soutien et son meilleur ami dans sa lutte pour sauver son frère, le noble et brillant Hasan- avant d'être promis lui-même à une mort ignominieuse. Récit d'une déchéance morale qui coïncide avec la conquête du pouvoir, ce livre singulier, qui nous vient de l'actuelle Yougoslavie, est dépaysant à plus d'un titre. Confession d'un personnage au destin shakespearien, proche en tout point d'un examen de conscience chrétien plein de scrupules, il est aussi un conte où ruse et sagesse, despotisme et générosité croisent leurs fils selon une complexité tout orientale.